Jean-François Mitsch (1) parle du renouvelable comme d'un fabuleux projet social. Mais dont on a raté le départ.
Interview : Dominique VELLANDE, lavenir.net, 3 mai 2014
une petite vidéo d'introduction
http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20140502_023
Jean-François Mitsch (1), comment appréhender l'enjeu énergétique aujourd'hui ?
En commençant par en faire le bilan. Et donc en acceptant qu'on s'est planté au démarrage. La Wallonie était en retard. On a donc dit : libéralisons le marché, faisons marcher la concurrence et ça coûtera moins cher. C'est le contraire qui s'est produit.
N'est-ce pas le prix à payer pour utiliser davantage d'énergie renouvelable ?
L'objectif est noble à condition d'éviter des phénomènes de rente. Le photovoltaïque en est l'illustration la plus terrible.
Expliquez-vous ?
Quel technicien sérieux peut oser expliquer que des petites installations résidentielles relèvent d'une bonne équation économique. Comme si on disait demain : supprimons les camions et assurons le transport avec des voitures équipes de petites remorques. Le politique a donc commis l'erreur de subsidier excessivement pour assurer une promesse de rentabilité.
N'est ce pas normal qu'une politique s'accompagne d'incitants ?
Oui, à condition de viser un point d'équilibre. Un point à partir duquel la filière est autoportante.
Ce n'est pas vraiment ce qui s'est passé…
Le résultat, c'est un million de ménages qui payent plus cher leur électricité parce que 100000 ménages ont investi pour ne pas payer la leur. Je ne leur fais pas de reproche : ils ont saisi une opportunité. Mais d'un point de vue collectif, c'est inéquitable et les dégâts sont considérables et pas uniquement pour le surcoût.
Vous pensez à quoi ?
En misant autant sur le photovoltaïque résidentiel, on a tué la filière thermique. Elle fonctionnait pourtant et avait un sens : l'eau chaude se stocke, pas l'électricité. Et aujourd'hui, on assiste à l'effondrement de la filière photovoltaïque. Des entreprises performantes mettent la clé sous le paillasson et les Wallons ne font plus confiance. On peut les comprendre quand on voit comment ce dossier a été géré.
Vous préférez l'éolien ?
Oui, à condition d'en faire une filière industrielle qui bénéficie à tous et non à quelques spéculateurs.
Pour la Belgique, l'investissement des 20 prochaines années représente 400 milliards d'euros pour l'ensemble des filières énergétiques (voir ci-dessous) Cet investissement représente une année de PIB pour notre pays. C'est tout à fait gérable d'ici 2050.
C'est l'investissement nécessaire pour du 100 % renouvelable ?
Oui, à la condition que nous réduisions notre consommation d'énergie de 80 à 95 %. Mais j'ajoute que dès que nous serons déjà arrivés à 50 % de renouvelable, notre situation de dépendance à l'égard des pays qui nous fournissent l'énergie bascule en notre faveur. Avoir pour cela comme objectif, c'est résolument se tourner vers une énergie accessible et à un prix correct.
Ce n'est pas utopique ?
Il y a deux axes : les technologies et les comportements. Les deux doivent se compléter. Les premières évoluent dans le bon sens. Pour les comportements,
80 pays de la terre consomment de vingt à quarante fois moins d'énergie par habitant que chez nous. Et leur indice de satisfaction est comparable au nôtre. Notre changement doit être culturel : comprendre que consommer moins ne rend pas moins malheureux mais peut être source de bonheur.
(1) Expert et administrateur de la coopérative des Éoliennes Citoyennes Enercoop.be
Interview : Dominique VELLANDE, lavenir.net, 3 mai 2014
une petite vidéo d'introduction
http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20140502_023
Jean-François Mitsch (1), comment appréhender l'enjeu énergétique aujourd'hui ?
En commençant par en faire le bilan. Et donc en acceptant qu'on s'est planté au démarrage. La Wallonie était en retard. On a donc dit : libéralisons le marché, faisons marcher la concurrence et ça coûtera moins cher. C'est le contraire qui s'est produit.
N'est-ce pas le prix à payer pour utiliser davantage d'énergie renouvelable ?
L'objectif est noble à condition d'éviter des phénomènes de rente. Le photovoltaïque en est l'illustration la plus terrible.
Expliquez-vous ?
Quel technicien sérieux peut oser expliquer que des petites installations résidentielles relèvent d'une bonne équation économique. Comme si on disait demain : supprimons les camions et assurons le transport avec des voitures équipes de petites remorques. Le politique a donc commis l'erreur de subsidier excessivement pour assurer une promesse de rentabilité.
N'est ce pas normal qu'une politique s'accompagne d'incitants ?
Oui, à condition de viser un point d'équilibre. Un point à partir duquel la filière est autoportante.
Ce n'est pas vraiment ce qui s'est passé…
Le résultat, c'est un million de ménages qui payent plus cher leur électricité parce que 100000 ménages ont investi pour ne pas payer la leur. Je ne leur fais pas de reproche : ils ont saisi une opportunité. Mais d'un point de vue collectif, c'est inéquitable et les dégâts sont considérables et pas uniquement pour le surcoût.
Vous pensez à quoi ?
En misant autant sur le photovoltaïque résidentiel, on a tué la filière thermique. Elle fonctionnait pourtant et avait un sens : l'eau chaude se stocke, pas l'électricité. Et aujourd'hui, on assiste à l'effondrement de la filière photovoltaïque. Des entreprises performantes mettent la clé sous le paillasson et les Wallons ne font plus confiance. On peut les comprendre quand on voit comment ce dossier a été géré.
Vous préférez l'éolien ?
Oui, à condition d'en faire une filière industrielle qui bénéficie à tous et non à quelques spéculateurs.
Pour la Belgique, l'investissement des 20 prochaines années représente 400 milliards d'euros pour l'ensemble des filières énergétiques (voir ci-dessous) Cet investissement représente une année de PIB pour notre pays. C'est tout à fait gérable d'ici 2050.
C'est l'investissement nécessaire pour du 100 % renouvelable ?
Oui, à la condition que nous réduisions notre consommation d'énergie de 80 à 95 %. Mais j'ajoute que dès que nous serons déjà arrivés à 50 % de renouvelable, notre situation de dépendance à l'égard des pays qui nous fournissent l'énergie bascule en notre faveur. Avoir pour cela comme objectif, c'est résolument se tourner vers une énergie accessible et à un prix correct.
Ce n'est pas utopique ?
Il y a deux axes : les technologies et les comportements. Les deux doivent se compléter. Les premières évoluent dans le bon sens. Pour les comportements,
80 pays de la terre consomment de vingt à quarante fois moins d'énergie par habitant que chez nous. Et leur indice de satisfaction est comparable au nôtre. Notre changement doit être culturel : comprendre que consommer moins ne rend pas moins malheureux mais peut être source de bonheur.
(1) Expert et administrateur de la coopérative des Éoliennes Citoyennes Enercoop.be
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